« La sollicitation personnalisée n’est pas faite pour développer la concurrence entre les huissiers de justice ; elle permet, au contraire, de gagner des parts sur un marché du droit ouvert, où les acteurs sont multiples.
Il nous faut lutter à armes égales face aux sociétés de recouvrement et aux LegalTech, pour ainsi nous ouvrir aux 56 milliards d’euros de créances passées en perte chaque années.
Notre seul objectif : Être reconnu comme des professionnels de confiance, du judiciaire et du recouvrement amiable, pour, à terme, faire des huissiers de justice les leaders du marché. »
Patrice Gras, Président de l’UNHJ
Qu’est-ce que la sollicitation personnalisée ?
Depuis le 18 novembre 2016, par la promulgation de la loi relative à la modernisation de la justice du XXIème siècle, les huissiers de justice peuvent « recourir à la sollicitation personnalisée, notamment par voie numérique, et proposer des services en ligne ». David Lévy, Avocat au Barreau de Paris et Ancien Président du Barreau pénal international, nous a permis, lors des dernières Universités d’été de l’UNHJ, d’appréhender cette évolution majeure de notre profession.
A l’heure actuelle, il n’existe pas de texte définissant la sollicitation personnalisée nouvellement permise aux huissiers de justice, néanmoins, nous pouvons ici faire référence à celle accordée aux avocats, explicitée dans la décision et le décret relatifs aux règles de déontologie de la profession d’avocat. Ainsi, celle-ci s’entend comme « toute forme de communication directe ou indirecte, dépassant la simple information, destinée à promouvoir les services [d’un huissier de justice] à l’attention d’une personne physique ou morale déterminée ».
Elle est permise « si elle procure une information sincère sur la nature des prestations de services proposées et si leur mise en oeuvre respecte les principes essentiels de la profession [et] exclut tout élément comparatif ou dénigrant, ainsi que toute mention susceptible de porter atteinte au secret professionnel ». Ainsi, cette disposition, qui sera précisée par voie réglementaire, doit être adaptée aux règles déontologiques applicables aux professions dans le respect des principes de dignité, de loyauté, de confraternité et de délicatesse.
Concrètement, « la sollicitation personnalisée prend la forme d’un envoi postal ou d’un courrier électronique adressé au destinataire de l’offre de service, à l’exclusion de tout message textuel envoyé sur un terminal téléphonique mobile ». Elle doit préciser « les modalités de détermination du coût de la prestation, laquelle fera l’objet, le cas échéant, d’une convention d’honoraires ».
Une sollicitation personnalisée auparavant interdite
Jusqu’à la promulgation de cette loi, il était interdit à l’huissier de justice « de faire ou de permettre qu’il soit fait, sous ses noms et qualité, tout acte de publicité en dehors des publicités obligatoires ». En effet, le statut d’officier public, le numerus clausus, le monopole d’activité, les standards de comportement déontologique, l’asymétrie de l’information, ou encore la non marchandise du droit justifiaient cette interdiction. Néanmoins, aujourd’hui, ces raisons peuvent être contestées, et pour la plupart dépassées, pour des motifs économiques, juridiques ou encore politiques, que la profession doit mettre en avant pour proposer, au pouvoir public, un nouveau cadre normatif dans lequel nous voulons évoluer.
Pourquoi intégrer de nouvelles dispositions déontologiques ?
Économiquement, il s’agit de mettre en avant le secteur ouvert et concurrentiel du marché du droit et des services juridiques, l’opposition entre les huissiers de justice et les sociétés de recouvrement, ou encore le statut d’entreprise, d’agents économiques, des professionnels du droit. Ainsi, comme le souligne l’Autorité de la concurrence dans son avis du 20 décembre 2016 relatif à la liberté d’installation des huissiers de justice (point 501), la publicité permet de :
- favoriser la concurrence ;
- informer les consommateurs et leur permettre de choisir ;
- aider les nouveaux entrants sur le marché.
Le droit Européen comme l’évolution des règles internes, mettent en avant la nécessité de recourir à la sollicitation personnalisée dans l’objectif d’égaliser les normes professionnelles, et d’éviter la distorsion de concurrence avec les autres professions juridiques et judiciaires.
Enfin, l’actuelle ambition politique est marquée par une volonté de répondre à la demande et de valoriser l’accès au droit et à la justice. Cette disposition permet alors de valoriser le maillage territorial de notre profession en mettant en avant la proximité de l’huissier à son public. Elle permet également de dynamiser les structures interpersonnelles, tout en accompagnant les entreprise sur le segment vital du recouvrement de créances dans un cadre concurrentiel.
Nos propositions
Dans ce contexte, il semble nécessaire de proposer de nouvelles dispositions pouvant être intégrées, par la CNHJ, dans un texte consacré aux règles déontologiques de notre profession. Nous pouvons alors faire référence à l’étude de David Lévy qui, lors de sa conférence aux Universités d’été, a mis en évidence 7 dispositions fondamentales.
Selon lui, la sollicitation personnalisée doit :
1 – « procurer une information sincère sur la nature des prestations de services proposées et respecter les principes essentiels de la profession » ;
2 – « faire état de la qualité d’huissier de justice et permettre, quel qu’en soit le support, de l’identifier, de le localiser, de le joindre, de connaître la chambre départementale auprès de laquelle il est inscrit et l’étude à laquelle il appartient » ;
3 – « prohiber toute publicité mensongère ou trompeuse, toute mention comparative ou dénigrante, toute mention susceptible de créer dans l’esprit du public l’apparence d’une structure d’exercice inexistante et/ou d’une qualification professionnelle non reconnue, toute référence à des fonctions ou activités sans lien avec l’exercice de la profession d’huissier de justice, ainsi que toute référence à des fonctions juridictionnelles » ;
4 – « préciser les modalités de détermination du coût de la prestation, laquelle fera l’objet, le cas échéant, d’une convention d’honoraires » ;
5 – « prendre la forme d’un message exclusif de toute démarche physique ou téléphonique. Sont exclus les messages textuels envoyés sur un terminal téléphonique mobile » ;
6 – « interdire à l’huissier de justice d’utiliser les services d’un tiers dans le but de contourner ces interdictions » ;
7 – « être communiquée sans délai à la chambre départementale ».
Ces dispositions déontologiques permettraient d’inscrire la mise en pratique de cette évolution majeure qui semble majoritairement bien accueillie par notre profession (voir notre sondage : La vision des huissiers de justice sur l’ouverture à la communication de leurs savoirs-faire au grand public : quel périmètre et quels outils ?). Celle-ci nous permettra en effet de communiquer « à armes égales » et de faire connaître nos savoir-faire.